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m’exercer un peu chaque jour ; hélas ! n’avait-on pas recommandé à ma mère d’éviter soigneusement tout ce qui m’eût coûté quelque effort ?… J’enrage, comme Monsieur Jourdain, à rêver au virtuose qu’aujourd’hui je pourrais être, si seulement en ce temps j’eusse été quelque peu poussé.

De retour à Paris, au début du printemps, maman se mit en quête d’un nouvel appartement, car il avait été reconnu que celui de la rue de Tournon ne pouvait plus nous convenir. Évidemment, pensais-je au souvenir du sordide logement garni de Montpellier, évidemment la mort de papa entraîne l’effondrement de notre fortune ; et de toute manière cet appartement de la rue de Tournon est désormais beaucoup trop vaste pour nous deux. Qui sait de quoi ma mère et moi allons devoir nous contenter ?

Mon inquiétude fut de courte durée. J’entendis bientôt ma tante Démarest et ma mère débattre des questions de loyer, de quartier, d’étage, et il n’y paraissait pas du tout que notre train de vie fût sur le point