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catholique envoyait ses enfants chez les frères, il ne restait guère au lycée, en regard des protestants qui presque tous cousinaient entre eux, qu’une plèbe souvent assez déplaisante et qu’animait contre nous des sentiments nettement haineux.

Je dis « nous » car presque aussitôt j’avais fait corps avec mes coréligionnaires, enfants de ceux que fréquentaient mon oncle et ma tante, et auprès de qui j’avais été introduit. Il y avait là des Westphal, des Leenhardt, des Castelneau, des Bazile, parents les uns des autres et des plus accueillants. Tous n’étaient pas dans ma classe, mais on se retrouvait à la sortie. Les deux fils du docteur Leenhardt étaient ceux avec qui je frayais le plus. Ils étaient de naturel ouvert, franc, un peu taquin, mais foncièrement honnête ; malgré quoi je n’éprouvais qu’un médiocre plaisir à me trouver avec eux. Je ne sais quoi de positif dans leurs propos, de déluré dans leur allure, me rencognait dans ma timidité, qui s’était entre temps beaucoup accrue. Je devenais triste, maussade et ne fréquentais mes camarades que parceque je ne pouvais faire autrement. Leurs jeux étaient bruy-