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concierge… Comme il n’y avait de patères nulle part où pouvoir accrocher ses effets, ceux-ci servaient de coussins de siège ; et aussi de coussins de pieds pour le voisin d’au-dessus, car on était sur des gradins. On écrivait sur ses genoux, il me semble.

Deux factions divisaient la classe, et divisaient tout le lycée : il y avait le parti des catholiques et le parti des protestants. À mon entrée à l’Ecole Alsacienne j’avais appris que j’étais protestant ; dès la première récréation, les élèves, m’entourant, m’avaient demandé :

— T’es catholique, toi ? ou protescul ?

Parfaitement interloqué, entendant pour la première fois de ma vie ces mots baroques — car mes parents s’étaient gardés de me laisser connaître que la foi de tous les Français pouvait ne pas être la même, et l’entente qui régnait à Rouen entre mes parents m’aveuglait sur leurs divergences confessionnelles — je répondis que je ne savais pas ce que tout cela voulait dire. Il y eut un camarade obligeant qui se chargea de m’expliquer :

— Les catholiques, sont ceux qui croient à la sainte Vierge.