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leur bizarre fourreau de brindilles. J’en élevais dans une cuvette, mais dus quitter le Houlme avant d’avoir pu assister à leur transformation.

Je doute si jamais livres, musiques ou tableaux me ménagèrent plus tard autant de joies, ni d’aussi vives, que ne faisaient dès ces premiers temps les jeux de la matière vivante. J’étais parvenu à faire partager à Suzanne ma passion pour l’entomologie ; du moins me suivait-elle dans mes chasses et ne répugnait-elle pas trop à retourner avec moi bouses et charognes à la recherche des nécrophores, des géotrupes et des staphylins. Il faut croire que ma famille finit par prendre en considération mon zèle car, si enfant que je fusse encore, c’est à moi que l’on fit revenir toute la collection d’insectes de feu Félix Archimède Pouchet, cousin germain de ma grand’mère. Le vieux savant, théoricien buté, avait eu son heure de célébrité pour avoir soutenu contre Pasteur l’aventureuse thèse de l’hétérogénie ou génération spontanée. Il n’est pas donné à beaucoup d’avoir un cousin qui s’appelle Archimède. Que je voudrais l’avoir connu ! Je raconterai plus