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qu’on venait de couvrir d’écriture, puis la série des feuilles à impressionner. L’idée d’un journal naquit-elle de ce cadeau ? ou au contraire le cadeau vint-il pour répondre à un projet de journal ? Peu importe. Toujours est-il qu’une petite gazette, à l’usage des proches, fut fondée. Je ne pense pas avoir conservé les quelques numéros qui parurent : je vois bien qu’il y avait de la prose et des vers de mes cousines ; quant à ma collaboration, elle consistait uniquement dans la copie de quelques pages des grands auteurs : par une modestie que je renonce à qualifier, je m’étais persuadé que les parents trouveraient plus de plaisir à lire « L’écureuil est un gentil petit animal… » de Buffon et des fragments d’épîtres de Boileau, que n’importe quoi de mon cru — et qu’il était séant qu’il en fût ainsi.

Mon oncle Henri Rondeaux dirigeait une fabrique de rouenneries au Houlme, à quatre ou cinq kilomètres de la ville. Nous y allions assez souvent en voiture. Il y avait primitivement, contre l’usine, une maison rectangulaire, petite, modeste, insignifiante au point de n’avoir laissé aucune trace en