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vreau ; je m’approchai de lui et gauchement lui offris quelques croquignoles. Il dit : Merci ; en prit une distraitement et tourna les talons aussitôt. Je quittai le bal peu après, la mort dans l’âme, et, de retour à la maison, il me prit une telle crise de désespoir, que ma mère me promit, pour l’an prochain, un costume de « lazzarone ». Oui, ce costume du moins me convenait ; peut-être qu’il plairait au clown… Au bal suivant, je fus donc en « lazzarone » ; mais lui, le clown, n’était plus là.


Je ne cherche plus à comprendre pour quelles raisons ma mère, quand je commençai ma huitième, me mit pensionnaire. L’Ecole Alsacienne, qui s’élevait contre l’internat des lycées, n’avait pas de dortoirs ; mais elle encourageait ses professeurs à prendre, chacun, un petit nombre de pensionnaires. C’est chez Monsieur Vedel que j’entrai, bien que je ne fusse plus dans sa classe. Monsieur Vedel habitait la maison de Sainte-Beuve, de qui le buste, au fond d’un petit couloir-vestibule, m’intriguait. Il présentait à mon étonnement cette curieuse sainte sous l’aspect d’un vieux