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Madame Jardinier déclarer que, quant à Julien, elle le mettrait en pâtissier.

— Ce qui importe, pour ces enfants, expliquait-elle à ma mère (et ma mère aussitôt acquiesçait) c’est d’être costumés, n’est-ce pas ? Peu leur importe le costume.

Dès lors je savais ce qui m’attendait ; car ces deux dames, consultant un catalogue de la Belle Jardinière, découvraient que le costume de « pâtissier » — tout au bas d’une liste qui commençait par le « petit marquis », et continuait decrescendo en passant par le « cuirassier », le « polichinelle », le « spahis », le « lazzarone » — de « pâtissier », dis-je, était « vraiment pour rien ».

Avec mon tablier de calicot, mes manches de calicot, ma barrette de calicot, j’avais l’air d’un mouchoir de poche. Je paraissais si triste que maman voulut bien me prêter une casserole de la cuisine, une vraie casserole de cuivre, et qu’elle glissa dans ma ceinture une cuillère à sauce, pensant relever un peu par ces attributs l’insipidité de mon travestissement prosaïque. Et, de plus, elle avait empli de croquignoles la poche de mon tablier : « pour que je puisse en offrir ».