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barres parallèles ; mais je ne valais plus rien au trapèze, qui me donnait le vertige. Les beaux soirs d’été, j’allais retrouver quelques camarades dans une grande allée du Luxembourg, celle qui s’achevait à la boutique du père Clément ; on jouait au ballon. Ce n’était pas encore, hélas ! le foot-ball ; le ballon était tout pareil, mais les règles étaient sommaires, et, tout au contraire du foot-ball, il était défendu de se servir des pieds. Tel qu’il était, ce jeu nous passionnait.

Mais je n’en avais pas fini avec la question du costume : À la mi-carême, chaque année, le Gymnase Pascaud donnait un bal aux enfants de sa clientèle ; c’était un bal costumé. Dès que je vis que ma mère me laisserait y aller, dès que j’eus cette fête en perspective, l’idée de devoir me déguiser me mit la tête à l’envers. Je tâche à m’expliquer ce délire. Quoi ! se peut-il qu’une dépersonnalisation puisse déjà promettre une telle félicité ? À cet âge déjà ? Non : Le plaisir plutôt d’être en couleur, d’être brillant, d’être baroque, de jouer à paraître qui l’on n’est pas… Ma joie fut infiniment rafraîchie lorsque j’entendis