Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’était l’usage, la mode, et l’on n’y pouvait rien. Et si j’ai fini pourtant par obtenir satisfaction, c’est tout bonnement parce que la mode a changé. Qu’on imagine un malheureux enfant qui, tous les jours de l’année, pour le jeu comme pour l’étude, porte, à l’insu du monde et cachée sous sa veste, une espèce de cuirasse blanche et qui s’achevait en carcan ; car la blanchisseuse empesait également, et pour le même prix sans doute, le tour-du-cou contre quoi venait s’ajuster le faux-col ; pour peu que celui-ci, un rien plus large ou plus étroit, n’appliquât pas exactement sur la chemise (ce qui neuf fois sur dix était le cas) il se formait des plis cruels ; et pour peu que l’on suât, le plastron devenait atroce. Allez donc faire du sport dans un accoutrement pareil ! Un ridicule petit chapeau-melon complétait l’ensemble… Ah ! les enfants d’aujourd’hui ne connaissent pas leur bonheur !

Pourtant j’aimais courir, et, après Adrien Monod, j’étais le champion de la classe. À la gymnastique, j’étais même meilleur que lui pour grimper au mât et à la corde ; j’excellais aux anneaux, à la barre fixe, aux