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Jardinier ne donnait à Julien ; comme leur situation était plus modeste que la nôtre, c’était à Madarmne Jardinier de décider.

— Qu’est-ce que vous voulez que ces enfants fassent avec cinquante centimes ? s’était-elle écriée. Et ma mère accordait que deux sous étaient « parfaitement suffisants. »

Ces deux sous étaient dépensés d’ordinaire à la boutique du Père Clément. Installée dans le jardin du Luxembourg, presque contre la grille d’entrée la plus voisine de l’École, ce n’était qu’une petite baraque de bois peinte en vert, exactement de la couleur des bancs. Le Père Clément, en tablier bleu, tout pareil aux anciens portiers des lycées, vendait des billes, des hannetons, des toupies, du coco, des bâtons de sucre à la menthe, à la pomme ou à la cerise, des cordonnets de réglisse enroulés sur eux-mêmes à la façon des ressorts de montre, des tubes de verre emplis de grains à l’anis blancs et roses, maintenus à chaque extrémité par de l’ouate rose et par un bouchon ; les grains d’anis n’étaient pas fameux, mais le tube, une fois vide, pouvait servir de sarbacane. C’est comme les petites bouteilles