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Luxembourg — sans enlever mes patins ; et rien n’était plus amusant et plus étrange que de glisser ainsi muettement dans les allées du grand jardin, entre deux hautes banques de neige. Depuis, il n’a plus fait d’hiver pareil.

Je n’avais de véritable amitié pour aucun des deux Jardinier. Jules était trop âgé ; Julien d’une rare épaisseur. Mais nos parents qui, pour l’amitié, semblaient avoir les idées de certaines familles sur les mariages de convenance, ne manquaient pas une occasion de nous réunir. Je voyais Julien déjà chaque jour en classe ; je le retrouvais en promenade, au patinage. Mêmes études, mêmes ennuis, mêmes plaisirs ; là se bornait la ressemblance ; pour l’instant, elle nous suffisait. Certes, il était, sur les bancs de la neuvième, quelques élèves vers qui plus d’affinité m’eût porté ; mais leur père, hélas, n’était pas professeur à la Faculté.


Tous les mardis, de 2 à 5, l’École Alsacienne emmenait promener les élèves (ceux des basses classes du moins) sous la surveillance d’un professeur, qui nous faisait