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armes contre soi-même. Et, sans trop le savoir, j’en cherchais.


Mes parents me firent redoubler une neuvième, où j’avais presque tout le temps manqué ; ce qui me permit d’avoir sans peine de bonnes places ; ce qui tout à coup me donna le goût du travail.


L’hiver fut rigoureux et se prolongea longtemps cette année. Ma mère eut le bon esprit de me faire apprendre à patiner. Jules et Julien Jardinier, les fils d’un collègue de mon père, dont le plus jeune était mon camarade de classe, apprenaient avec moi ; c’était à qui mieux mieux ! et nous devînmes assez promptement d’une gentille force. J’aimais passionnément ce sport, que nous pratiquions sur le bassin du Luxembourg d’abord, puis sur l’étang de Villebon dans les bois de Meudon, ou sur le grand canal de Versailles. La neige tomba si abondamment et il y eut un tel verglas par dessus, que je me souviens d’avoir pu, de la rue de Tournon, gagner l’École Alsacienne — qui se trouvait rue d’Assas, c’est-à-dire à l’autre extrémité du