Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il poussait contre le mur de la pièce le maëstro qui balbutiait :

— Qu’il est bête, ce gros Bert ! Tu vois bien que je plaisantais.

— Misérable ! s’écriait Albert. Si je te reprends à plaisanter de cette manière, je…

— J’étais si indigné, ajoutait-il : s’il avait dit un mot de plus, je crois que je l’aurais étranglé.


C’est peut-être au retour de ces vacances qui suivirent mon renvoi, qu’Albert Démarest commença à faire attention à moi. Que pouvait-il bien discerner en moi qui attirât sa sympathie ? Je ne sais ; mais sans doute lui fus-je reconnaissant de cette attention d’autant plus que, précisément, je sentais que je la méritais moins. Et tout aussitôt je m’efforçai d’en être un petit peu moins indigne. La sympathie peut faire éclore bien des qualités somnolentes ; je me suis souvent persuadé que les pires gredins sont ceux auxquels d’abord les sourires affectueux ont manqué. Sans doute est-il étrange que ceux de mes parents n’eussent pas suffi ; mais il est de fait que je devins