gravité. J’eus dans la suite maintes raisons de m’exaspérer contre lui : il reprochait aux fugues de Bach de se prolonger parfois sans surprise ; s’il aimait la bonne musique, il ne détestait pas suffisamment la mauvaise ; il partageait avec son ami Gounod une monstrueuse et obstinée méconnaissance de César Franck, etc. ; mais, en ce temps où je naissais au monde des sons, il en était pour moi le grand-maître, le prophète, le magicien. Chaque soir, après le dîner, il offrait à mon ravissement sonates, opéras, symphonies ; et maman, d’ordinaire intraitable sur les questions d’heure et qui m’envoyait coucher tambour battant, permettait que je prolongeasse outre-temps la veillée.
Je n’ai pas de prétention à la précocité et crois bien que le vif plaisir que je prenais à ces séances musicales il faut le placer principalement et presque uniquement lors des dernières visites de Monsieur Dorval, deux et trois ans après la mort de mon père. Entre temps, et sur ses indications, maman m’avait mené à quantité de concerts, et pour montrer que je profitais, tout le long du jour je chantais ou sifflais des