crois, cet été qui suivit mon renvoi de l’École. Il y revint encore une ou deux fois après la mort de mon père ; et je doute si ma mère n’estimait pas faire quelque chose d’assez osé en continuant à le recevoir, une fois veuve, bien qu’à chaque fois pour un temps assez court. Rien n’était plus bourgeois que le milieu de ma famille, et Monsieur
Dorval, pour n’être rien moins
qu’un bohême, était tout de même un artiste ; c’est-à-dire qu’il n’était pas « de notre monde » du tout — un musicien, un compositeur, un ami d’autres musiciens plus célèbres, de Gounod par exemple, ou de Stephen Heller, qu’il allait voir à Paris. Car Monsieur Dorval habitait Rouen, où il tenait à Saint-Ouen les grandes orgues que venait de livrer Cavaillé-Coll. Très clérical, très religieux, et protégé par le clergé, il comptait des élèves dans les familles les meilleures et les mieux pensantes, la mienne en particulier, où il jouissait d’un grand prestige sinon d’une parfaite considération. Il avait le profil dur et énergique, d’assez beaux traits, d’abondants cheveux noirs très bouclés, une barbe carrée, le regard rêveur ou soudain fou-