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qu’elle avait distingué quelque chose de plus que la sauterelle : un bout de ligne, un bout d’hameçon, un bout de crin, l’ombre du pêcheur, ou avait entendu celui-ci approcher : dès lors, inutile d’attendre, et plus on insistait, plus on compromettait la partie ; mieux valait revenir plus tard, en prenant plus de précautions que d’abord, en se glissant, en rampant, en se subtilisant parmi les herbes, et jetant la sauterelle du plus loin, pour autant que le permettaient les branches des arbres, des coudres et des osiers qui bordaient presque continuement la rivière, ne cédant la rive qu’aux grands épilobes ou lauriers de Saint-Antoine, et dans lesquels, si par malchance le fil de la ligne ou l’hameçon se prenait, on en avait pour une heure, sans parler de l’effarouchement définitif du poisson. Il y avait à La Roque un grand nombre de « chambres d’amis » ; mais elles restaient toujours vides, et pour cause : Mon père frayait peu avec la société de Rouen ; ses collègues de Paris avaient leur famille, leurs habitudes… En fait d’hôtes, je ne me souviens que de Monsieur Dorval, qui vint à La Roque, pour la première fois je