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deux ruisseaux, l’un qui venait, à travers bois, de Blancmesnil, l’autre, à travers prés, du hameau de La Roque à deux kilomètres de là. De l’autre côté de la douve, dans la direction de Blanemesnil, s’élevait en pente assez rapide le pré qu’on appelait « le Rouleux », que ma mère, quelques années après la mort de mon père, réunit au jardin ; qu’elle sema de quelques massifs d’arbres, et à travers lequel, après longue étude, elle traça deux allées qui s’élevaient, en serpentant selon des courbes savantes, jusqu’à la petite barrière par où l’on entrait dans le bois. On plongeait aussitôt dans un tel mystère que, d’abord, le cœur en la franchissant me battait un peu. Ces bois dominaient la colline, se prolongeaient sur une assez grande étendue, et ceux de Blancmesnil y faisaient suite. Il n’y avait, du temps de mon père, que peu de sentiers tracés, et d’être si difficilement pénétrables, ces bois me paraissaient plus vastes. Je fus bien désolé le jour où maman, tout en me permettant de m’y aventurer, me montra sur une carte du cadastre leur limite, et qu’au delà, les près et les champs recommençaient. Je ne sais plus trop ce que