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on y allait cueillir pour les repas une eau qui paraissait glacée et, l’été, couvrait de sueur les carafes.

Un peuple d’hirondelles sans cesse tournoyait autour de la maison ; leurs nids d’argile s’abritaient sous le rebord des toits, dans l’embrasure des fenêtres, d’où l’on pouvait surveiller les couvées. Quand je pense à La Roque, c’est d’abord leurs cris que j’entends ; on eût dit que l’azur se déchirait à leur passage. J’ai souvent revu ailleurs des hirondelles ; mais jamais nulle part ailleurs je ne les ai entendu crier comme ici ; je crois qu’elles criaient ainsi en repassant à chaque tour devant leurs nids. Parfois elles volaient si haut que l’œil s’éblouissait à les suivre, car c’était dans les plus beaux jours ; et quand le temps changeait, leur vol s’abaissait barométriquement. Anna m’expliquait que, suivant la pesanteur de l’air, volent plus ou moins haut les menus insectes que leur course poursuit. Il arrivait qu’elles passassent si près de l’eau qu’un coup d’aile hardi parfois en tranchait la surface :

— Il va faire de l’orage, disaient alors ma mère et Anna.