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III

SI LA MONNAIE PEUT VÉRITABLEMENT MESURER LA VALEUR.

Le rôle d’une commune mesure est de pouvoir comparer deux choses situées en des lieux différents, qui par conséquent ne peuvent être comparées directement, ou de comparer une même chose à des moments différents et de s’assurer si elle a varié et dans quelle proportion. Le mètre permet de comparer la taille des Lapons à celle des Patagons et de mesurer exactement de combien ceux-ci sont plus grands que ceux-là. Il permettra, s’il est usité ou simplement connu dans quelques milliers d’années, de comparer l’homme d’alors à l’homme de nos jours et de s’assurer si sa taille a dégénéré.

Mais il est clair que nos conclusions ne pourront être exactes qu’autant que nous aurons la certitude que la longueur du mètre employé pour étalon est bien la même en Laponie et en Patagonie, qu’elle sera bien la même dans mille ans qu’aujourd’hui. L’invariabilité de la grandeur choisie pour commune mesure, invariabilité dans l’espace et dans le temps, apparaît donc comme une condition indispensable.

L’utilité que nous demandons à une commune mesure des valeurs, c’est-à-dire à la monnaie, n’est pas différente. Nous voulons aussi, par elle, comparer les valeurs de marchandises situées en divers lieux, ou comparer la valeur d’une même marchandise à des époques différentes. De quel intérêt n’est-il pas pour un marchand de blé de savoirs si le blé a plus de valeur en France qu’en Russie, s’il en a plus cette année que l’année dernière ? Mais à quoi nous serviraient nos calculs s’il arrivait que la valeur de la marchandise choisie pour unité, c’est-à-dire de la monnaie, ne fût pas la même en Russie qu’en France, ou cette année que l’année dernière ? Ne faut-il donc pas que la valeur de la monnaie remplisse, elle aussi, cette condition de toute commune mesure, invariabilité dans l’espace et dans le temps ?