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reux qui a produit le blé dans les conditions les plus défavorables, car, s’il en était autrement, celui-ci n’en apporterait plus sur le marché or nous supposons que la quantité de blé n’est pas supérieure aux besoins et que, par conséquent, on ne saurait se passer du concours de ce dernier producteur.

Nous pouvons donc formuler cette proposition :

Toutes les fois que des produits identiques se vendent sur un même marché, la valeur de tous tend à coïncider avec le coût de production maximum.

Or, il est clair que ce prix de 20 fr. va laisser un bénéfice gradué à tous les producteurs de sacs de blé plus favorisés dont le coût de production est moindre bénéfice de 10 pour celui dont le sac de blé revient à 10, de 8 pour celui dont le sac revient à 12, de 5 pour celui dont le sac revient à 15, etc. C’est ce bénéfice d’une nature particulière qui s’appelle la rente et qui joue en économie politique un rôle considérable.

C’est un Anglais, Anderson (en 1777), qui le premier a démontré la loi de la rente[1]. Mais c’est Ricardo qui en a accaparé toute la gloire. L’un et l’autre ne la croyaient applicable qu’aux produits agricoles, mais il faut y voir une loi générale. Partout où des produits similaires sont vendus à un même prix, le phénomène de la rente qui résulte de l’excès du prix de vente sur le coût de production se manifeste au profit des producteurs les mieux servis par les circonstances.

Cependant, ce phénomène ne se manifeste pas aussi clairement dans l’industrie que dans l’agriculture, parce que là les producteurs les plus favorisés peuvent souvent, à eux seuls, approvisionner le marché en augmentant indéfiniment la production. En ce cas, ils préfèrent, au lieu de profiter de

  1. On trouvera sa démonstration reproduite dans la Theory of political economy de Stanley Jevons (Ch. De la rente). Elle est même plus claire que celle de Ricardo qui l’a compliquée inutilement par une hypothèse historique très contestable (Voy. liv. III, Loi de la rente foncière). Il faut bien remarquer que le producteur joue ici un rôle purement passif. Il bénéficie des circonstances, mais il ne les crée pas. C’est par là que la rente se distingue du profit. Et c’est là ce que Ricardo exprimait par cette formule célèbre « Ce n’est pas la rente qui détermine le prix du blé ; c’est le prix du blé qui détermine la rente ».