Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marché pour lesquels le même sac de blé ait même utilité subjective. Et pourtant nous savons que le caractère de la valeur d’échange c’est qu’elle est la même sur le marché[1] Non seulement c’est un fait d’expérience, mais c’est là une loi économique de la plus haute importance qui se formée ainsi : il ne peut jamais y avoir sur un même marché qu’un même prix pour des marchandises de même qualité. En effet la valeur, avons-nous dit, consiste dans une préférence mais là où il ne peut y avoir de préférence puisqu’il y a identité d’objet, comment pourrait-il y avoir différence de valeur[2] ? Et il semble que nous aboutissions à une contradiction, car comment concilier l’identité nécessaire des prix d’une part, et la diversité des utilités finales chez les acheteurs, d’autre part ?

On y parvient par des analyses assez compliquées et que nous ne pouvons reproduire ici. Il suffit de comprendre que le prix courant doit être tel qu’à ce prix les quantités offertes et les quantités demandées coïncident exactement, et tel aussi qu’à ce prix tous les échangistes, même les moins favorisés, obtiennent un certain gain d’utilité finale[3].

Les économistes d’autrefois, sans chercher midi à quatorze

  1. Il faut entendre par marché, dans le sens économique du mot, non pas seulement une même place ou un même local, mais toute sphère dans laquelle le déplacement des marchandises et les communications des vendeurs et acheteurs sont assez rapides pour qu’un même prix s’établisse. L’étendue du marché varie donc suivant la nature de la marchandise la France constitue presque un seul marché pour le blé le monde, un seul marché pour l’or.
    Quand il s’agit de marchandises qui n’ont qu’un marché local, les règles que nous exposons sur la formation des prix ne s’appliquent que d’une façon incomplète et très lente : par exemple le prix de détail dans les magasins ou le taux des salaires dans les petites industries.
  2. C’est ce que Stanley Jevons a appelé la loi d’indifférence. Il entend par là que toutes les fois qu’il nous est absolument indifférent d’acquérir l’un ou l’autre des deux objets, parce qu’ils sont identiques, nous ne consentirons pas à payer l’un plus cher que l’autre.
  3. Voici cependant quelques détails plus précis :
    On pourrait penser tout d’abord que le prix sera déterminé par l’acheteur le plus désireux d’acheter, celui qui attribue à l’objet la valeur individuelle maximum ? Sans doute s’il en était ainsi ce serait fort avantageux pour le vendeur. Mais il faut réfléchir que le vendeur n’est pas seul : il y en a d’autres qui ont envie de vendre autant ou plus que lui. Et par conséquent on pourrait aussi bien dire que le prix sera déterminé par le vendeur le plus désireux de se débarrasser de sa marchandise (ou le plus