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tion naturelle et par là fatigant[1], et qu’en somme elle ne fait rien de plus que d’affirmer que la valeur a pour fondement le désir. Mais son mérite est de donner une analyse psychologique intéressante et vraie des circonstances qui font varier ce désir.

§ 2. Le travail.

Cette seconde théorie est en quelque sorte l’inverse de la première : tandis que celle-là attache à l’idée de satisfaction procurée, celle-ci s’attache à l’idée d’effort accompli. Elle tient une place considérable dans la science exposée pour la première fois par Adam Smith, fortement développée par Ricardo, elle a rallié des économistes appartenant aux écoles les plus opposées, depuis les optimistes comme Bastiat jusqu’aux socialistes comme Karl Marx[2].

Bien entendu, cette théorie ne conteste pas que l’utilité, c’est-à-dire la propriété de satisfaire à un besoin ou à un désir quelconque de l’homme, ne soit la condition primordiale de toute valeur. Il faudrait, en effet, avoir perdu le sens pour imaginer qu’une chose qui ne sert à rien puisse avoir une valeur quelconque, quel que soit d’ailleurs le travail qu’elle a pu coûter. Mais d’après cette école, si l’utilité est la condition de la valeur, elle n’en est point la cause. Le fondement de la valeur ce serait le travail de l’homme, et toute chose vau-

  1. C’est pour éviter cette amphibologie que M. Vilfredo Pareto, comme nous l’avons déjà dit, crée à côté du vieux mot d’utilité, auquel il maintient sa signification ordinaire, celui d’ophélimité. Il dira ainsi que l’eau est très utile, mais qu’elle n’est pas très « ophélime ». L’école nouvelle dit que l’utilité totale de l’eau est très grande, mais que son utilité finale est ordinairement très petite.
  2. « Il est tout simple, dit Adam Smith, que ce qui est d’ordinaire le produit de deux heures de travail vaille le double de ce qui n’exige ordinairement qu’une heure de travail ». Livre 1, ch. 16.
    « Je considère le travail, dit Ricardo, comme la source de toute valeur et sa quantité relative comme la mesure qui régle presque exclusivement la valeur relative des marchandises ». Ch. 1, sect. 2.
    « La valeur d’une marchandise est déterminée par le quantum du travail dépensé pendant sa production ». Kart Marx, ch. 1.
    Malgré cette identité apparente, les explications de la valeur données par ces trois grands esprits sont, au fond, assez différentes mais nous ne pouvons entrer ici dans ces nuances.