Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conomistes. Chacune se flatte d’y avoir répondu d’une façon catégorique[1], mais la suivante ne se tient pas pour satisfaite et cherche à creuser un peu plus profondément.

Demandons-nous à nous-mêmes pourquoi nous attachons une certaine valeur à un objet, pourquoi telle chose nous est chère ? Nous sentons bien que nous pouvons donner deux réponses différentes et, à certains égards, opposées nous pouvons nous attacher aux choses soit en raison du plaisir qu’elles nous donnent, soit en raison de la peine qu’elles nous coûtent. Et telles sont, en effet, les deux idées maîtresses auxquels peuvent se ramener toutes les théories de la valeur. Les premières la fondent sur l’utilité, les secondes sur le travail.

§ 1. — Utilité.

L’utilité, c’est-à-dire la qualité propre à certaines choses de satisfaire plus ou moins bien à nos besoins, paraît le fondement naturel de la valeur. Et, en effet, telle était l’explication donnée par les premiers économistes : les physiocrates, Condillac, J.-B. Say.

S’il s’agit de deux objets correspondant à un même besoin, l’explication parait suffisante. Il est relativement facile de mesurer le degré d’appropriation d’une chose à un besoin déterminé et l’échelle des valeurs ici paraît correspondre assez exactement à l’échelle des qualités. Entre deux fruits, nous préférons le plus savoureux entre deux moutons, le plus gras entre deux appartements, le plus confortable entre deux terres, la plus fertile, et si les deux objets, par exemple deux sacs de blé, sont de nature à procurer des satisfactions identiques, il est de règle qu’ils ont la même valeur.

Mais si nous considérons des objets répondant à des besoins différents, par exemple un pain et un chapeau, ici nous perdons le fil. Lequel en effet est le plus utile ?

  1. En 1848, dans ses Principes d’Économie politique, Stuart Mill disait : « Heureusement, il n’y a plus, dans les lois de la valeur, rien à éclaircir présentement ni dans l’avenir : cette théorie est complète ». Les économistes qui ont repris aujourd’hui cette théorie en disent autant, mais il n’est pas dit qu’ils ne reçoivent pas de l’avenir le même démenti.