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sidérable de kilogrammes, c’est-à-dire que nous le rapportons au poids d’un litre d’eau ; — soit que, si l’on dressait la liste de tous les corps à nous connus, il occuperait, au point de vue de la pesanteur, le premier rang.

Il résulte de ce caractère relatif de la valeur, cette conséquence qu’on ne doit jamais parler d’une hausse ou d’une baisse de toutes les valeurs : une semblable proposition serait dénuée de sens. Car si la valeur n’est rien de plus qu’un ordre, un classement, une hiérarchie établie entre les richesses, comment pourrait-on comprendre que toutes, en même temps, pussent monter ou descendre ? Pour que les unes puissent monter sur l’échelle, il faut nécessairement qu’elles prennent la place des autres qui, par conséquent, doivent descendre. C’est absolument comme si des candidats à quelque concours, classés par ordre de mérite, se demandaient s’ils n’auraient pas pu être reçus tous à la fois à un meilleur rang[1]?


II

LES DIVERSES THÉORIES SUR LA VALEUR.

Pourquoi désirons-nous telle chose plus que telle autre ? ou pourquoi désirons-nous une même chose plus dans certains cas que dans d’autres ? Voilà le terrible Pourquoi qui, depuis plus d’un siècle, met à la torture toutes les générations d’é-

  1. Cependant cette proposition pourrait prendre un sens raisonnable si l’on entendait simplement par là que les désirs de l’homme peuvent tous à la fois augmenter ou diminuer d’intensité. Si, par exemple, les sociétés civilisées marchent vers « cet état stationnaire que prévoit Stuart Mill « où les âmes cesseraient d’être remplies du souci de poursuivre la richesse », on pourra dire alors véritablement que toutes choses auront moins de valeur : — comme si un jour on constate que la force de l’attraction terrestre a décru, on pourra dire que le poids de tous les corps a diminué. Toutefois, même dans cette hypothèse, l’assertion n’aurait guère d’utilité pratique et ne serait même guère véritable, puisque tout moyen de mesurer cette décroissance générale des valeurs et désirs nous ferait défaut, sinon le ralentissement de l’activité humaine dans l’ordre économique.