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comme Esaü, sacrifiera son héritage en échange d’un plat de lentilles, mais, une fois rassasié, il n’en donnera pas une obole. Dans le Sahara, l’eau peut valoir son pesant d’or dans nos villes bien pourvues de fontaines, elle ne vaut rien dans un pays humide et marécageux, elle vaut moins que rien, puisqu’on paie pour s’en débarrasser.

§ 2.

L’idée de valeur suppose en second lieu un rapport entre deux choses ou plutôt, puisque les choses ne sont ici que l’accessoire, entre deux désirs. En d’autres termes, la valeur n’implique pas seulement l’idée de désir qui pourrait se concevoir isolément mais aussi celle de préférence, qui ne peut se concevoir sans une balance, sans une comparaison.

La valeur est donc une notion relative, de même ordre que la grandeur ou la pesanteur. S’il n’existait qu’un seul corps au monde, on ne pourrait dire s’il est grand ou petit on ne pourrait dire non plus s’il a peu ou beaucoup de valeur[1].

Et quand on dit, employant une expression courante ; qu’un objet quelconque, le diamant, par exemple, a « une grande valeur », sans rien ajouter de plus, le terme de comparaison, pour être sous-entendu, n’en existe pas moins. Nous entendons dire par là soit qu’il a une grande valeur relativement à l’unité monétaire, auquel cas nous le comparons à cet objet déterminé qui s’appelle des pièces de monnaie ; soit qu’il occupe un rang élevé dans l’ensemble des richesses, auquel cas nous le comparons à toutes les autres richesses considérées collectivement. De même, quand nous disons qu’un corps, le platine, est très lourd, sans exprimer aucune comparaison, nous entendons par là soit qu’il représente un nombre con-

  1. Sans doute cet objet, quoique unique, occuperait un certain espace, mais cela ne suffit pas pour donner l’idée de grandeur. Et il pourrait répondre à un très vif désir, mais cela ne suffirait pas non plus, à notre avis, pour donner l’idée de valeur. Voy. en sens contraire dans la Revue d’Economie Politique, 1894. M. Böhm-Bawerk Essai sur la valeur.