Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/619

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

2° Au point de vue moral, le caractère personnel et désagréable de l’impôt direct doit être considéré comme une supériorité. Il est bon, en effet, il est indispensable même que chaque citoyen dans un pays libre sente directement, et de façon à ne pouvoir l’ignorer, les conséquences et le contrecoup de chaque dépense faite par l’État, c’est-à-dire par les représentants qu’il a nommés : c’est le meilleur moyen de faire son éducation politique.

La forme la plus naturelle de l’impôt direct, c’est l’impôt proportionnel sur le revenu. Si l’on pouvait déterminer exactement le revenu de chaque citoyen, il suffirait de calculer par une simple opération d’arithmétique quel est le tant pour cent qu’il faut prélever sur ce revenu pour suffire aux dépenses publiques, et l’on aurait ainsi, semble-t-il, un système fiscal d’une simplicité parfaite et d’une justice irréprochable[1].


  1. Cependant cette formule n’est pas unanimement acceptée et les deux termes sont fort controversés.
    Pourquoi sur « le revenu », dit-on d’abord, et non pas plutôt sur le capital ? En effet, le capital peut être pris comme base pour certaines richesses qui ne produisent pas de revenus (terrains à bâtir, parcs, châteaux, galeries de tableaux, diamants, etc.), mais étendue à la généralité des richesses, cette base serait tout à fait illogique par la raison bien simple que pour la plupart des richesses, terres, maisons, valeurs mobilières, la valeur du capital n’est déterminée que par le montant du revenu:il est donc bien plus simple de frapper directement le revenu. On dit, il est vrai, que le capital, représentant la richesse déjà créée, doit être frappé de préférence au revenu qui représente la richesse en voie de formation ? Mais il est facile de donner satisfaction à ce qu’il peut y avoir de fondé dans cette critique, en taxant les revenus du capital à un taux plus élevé que les revenus du travail. Il est certain qu’on doit établir une différentiation des revenus suivant leur origine; le revenu du capital doit être plus frappé que celui du travail non pas précisément parce que le premier serait moins légitime que le second, mais parce qu’il est perpétuel tandis que l’autre est viager.
    Il est une forme d’impôt direct sur le capital fort prôné (notamment par Godin le fondateur du Familistère de Guise) : c’est une part héréditaire dévolue à l’État quand il y a des héritiers directs, et même l’hérédité totale quand il n’y a que des collatéraux. Il nous paraîtrait très légitime dans le cas de succession ab intestat et quand il n’y a que des parents éloignés, par exemple au delà du 4e degré (cousins-germains), cabaret, et si injuste que paraisse cette égalité-là, on ne voit guère le moyen pratique de faire autrement, à moins d’autoriser les contrôleurs des contributions indirectes à déguster chaque barrique avant de la taxer.