Cette situation a été réalisée en partie sous le régime féodal et l’est encore aujourd’hui dans les sociétés à demi barbares où la fortune du souverain ne se distingue guère de la fortune de la nation. Les princes souverains de l’Inde, tout comme le faisaient les anciens rois de France, vivent en grande partie et entretiennent leurs armées sur les revenus de leurs domaines. Mais dans les pays civilisés le domaine de l’État, depuis longtemps dilapidé, est réduit en général à peu de chose. En Prusse cependant et dans les États de l’Allemagne, l’État retire encore de ses domaines (qui ne comprennent pas seulement des forêts, mais des fermes, des mines, des usines, etc.) des revenus de plusieurs centaines de millions. En France, il ne lui reste guère que les forêts et un grand nombre de monuments improductifs. Le domaine privé de l’État représente cependant un capital considérable, 4 milliards environ (sans compter la nue-propriété des chemins de fer), et le domaine des départements et des communes presque autant, mais la plus grande partie ne rapporte rien en argent, étant affectée à des services publics. Le tout donne en revenu brut une cinquantaine de millions, mais qui se réduit de moitié si l’on tient compte des dépenses ce n’est donc qu’une goutte d’eau dans le budget.
Si la théorie de la nationalisation du sol (Voy. p. 529) devait recevoir un jour quelque application, si par exemple les pays nouveaux se réservaient dorénavant la propriété des terres publiques et ne les concédaient aux individus qu’à titre temporaire, on pourrait voir se reconstituer dans l’avenir des revenus domaniaux considérables qui permettraient à l’État d’abolir tout ou partie des impôts et c’est précisément un des arguments invoqués en faveur de cette doctrine. Tel est le système de M. Walras : abolition de tout impôt pesant sur l’individu, sur son travail ou sur les produits de son industrie : l’État vivant désormais uniquement sur la rente des terres qui constitueront (après rachat) son domaine propre[1].
- ↑ Voy. pour toutes les conséquences que M. Walras attend de ce système, au point de vue de la répartition des richesses, son Économie sociale.