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lités sans nombre aux personnes qui désirent placer leur argent[1]. Toutes leur offrent en perspective un intérêt plus ou moins élevé, le plus souvent aussi de véritables primes sous la forme de remboursements supérieurs à la somme prêtée, et même, dans les cas autorisés par la loi, des lots d’une valeur de 100.000 et jusqu’à 500.000 francs, ce qui, entre parenthèses, constitue un appât d’une moralité fort douteuse.

L’utilité sociale du placement est incontestable : c’est le placement qui fournit à toutes les grandes entreprises les capitaux dont elles ont besoin et sans lui jamais elles n’auraient pu se constituer.

Au point de vue social, le placement doit même être considéré comme plus utile que l’épargne proprement dite ou que la dépense, car celles-ci ont nécessairement un caractère égoïste tandis que le placement a un caractère altruiste en ce sens que l’économe au lieu de réserver ses économies pour sa consommation personnelle (immédiate ou différée) les transfère à d’autres pour que ceux-ci les consomment reproductivement[2]. Supposons qu’il emploie son épargne à souscrire des obligations émises par une Compagnie de mines ou de chemins de fer[3]. Il remet à la Compagnie la valeur de

  1. Peut-être même pourrait-on trouver que les facilités sont trop grandes ! car elles facilitent trop ce mode d’existence qui consiste à vivre en rentier et dont il ne faudrait pourtant pas abuser bien que nous l’ayons justifié dans une certaine mesure (p. 405). Si les gens n’avaient pas tant d’occasions pour placer leur argent, ils seraient contraints, ou tout au moins stimulés à le faire valoir eux-mêmes en se faisant industriels, commerçants ou agriculteurs.
    Ceci toutefois pourrait se réaliser si l’on croit que le taux de l’intérêt continuera à baisser ou que les États rembourseront leurs dettes, car l’une et l’autre de ces éventualités rendrait de nouveau les placements difficiles.
  2. Comme le dit très bien Stuart Mill : « On est utile aux travailleurs,non par la richesse qu’on consomme soi-même, mais seulement par la richesse qu’on ne consomme pas soi-même ».
  3. Je dis « émises par la Compagnie », parce que si nous supposions que le titre est acheté à la Bourse, en ce cas il n’y aurait qu’un simple transfert : notre capitaliste se trouverait simplement substitué à celui qui naguère était propriétaire de ce titre. Et toutefois, même en ce cas, le placement suppose généralement un emploi productif, car il faut remarquer