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sociale et les habitudes mentales se rapprochent de celles des hommes primitifs et qui comme eux vivent au jour le jour. Sauvages, enfants, indigents, salariés, tous sont également, et pour les mêmes raisons, imprévoyants.

2° Il faut ensuite, comme condition objective, une certaine qualité dans la chose épargnée, celle de pouvoir être conservée. Or, c’est là une propriété qui, dans l’état de nature, est assez rare. Il n’est qu’un petit, nombre d’objets de consommation dont la consommation puisse être différée sans inconvénient et sans entraîner la détérioration ou même la perte totale de la chose. Les choses souvent se détruisent aussi vite quand on n’en fait point usage et qu’on les met de côté que lorsqu’on s’en sert. Les meubles et étoffes se fanent ; le linge se coupe et jaunit dans l’armoire ; le fer se rouille ; les denrées alimentaires se gâtent ou sont dévorées par les insectes ; le vin lui-même, après avoir gagné, finit par perdre. Le blé serré par la fourmi — quoique le blé soit une des richesses qui se conserve le mieux et qu’il doive certainement à cette propriété la place si importante qu’il occupe entre toutes — ou les noisettes de l’écureuil, ne peuvent se conserver au delà d’une année sans de grands soins. On peut dire qu’en pratique l’épargne n’avait qu’un emploi très restreint, faute d’objet convenable, jusqu’au jour où l’on a employé la monnaie, ou du moins les métaux précieux, comme accumulateurs de la valeur. Alors seulement l’épargne a été créée contenant en puissance tous les merveilleux développements qu’elle a pris depuis. L’or et l’argent sont, comme nous l’avons vu, à peu près les seuls corps qui soient inaltérables : il est vrai qu’ils ne sont pas eux-mêmes des objets de consommation, mais peu importe puisqu’ils sont à toute époques échangeables contre ces objets. Dès lors celui qui veut épargner, au lieu de chercher à conserver des objets périssables, les échange contre de la monnaie, met cette monnaie en lieu sûr et au bout d’un temps aussi long qu’on voudra, lui ou ses arrière-petits-enfants n’auront qu’à échanger cette monnaie contre la richesse qu’ils choisiront. Quand on découvre aujourd’hui quelque trésor enseveli depuis des siècles, c’est une consom-