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les éléments éminemment propres à notre alimentation. Si le diamant est très recherché, c’est qu’il est dans la nature de l’homme, comme d’ailleurs dans celle de certains animaux, d’éprouver du plaisir à contempler ce qui brille, et que le diamant, à raison de son pouvoir réfringent, supérieur à celui de tout autre corps connu, possède justement la propriété de jeter des feux incomparables.

2° Pour pouvoir compter une chose au nombre de nos richesses, ce n’est pas tout que de la savoir utile encore : faut-il que nous puissions l’utiliser. Savoir, c’est pouvoir, a-t-on dit : ce n’est pas toujours vrai ; notre science peut rester à l’état purement spéculatif et ne pas nous fournir de moyen pratique d’atteindre nos fins. Nous savons que le diamant n’est qu’un cristal de carbone ; mais nous n’avons pas encore réussi à faire des diamants avec du charbon ; nous savons qu’il est en Chine des mines de houille très riches, et sur les plateaux de l’Afrique des terres fertiles et salubres, mais pour diverses raisons, ni les unes ni les autres ne sont à notre portée, et nous ne pouvons les exploiter. Elles ne sont donc pas des richesses, du moins pour le temps présent, pas plus que des terres fertiles ou des métaux précieux dont l’astronome, à l’aide du télescope ou de l’analyse spectrale, découvrirait l’existence dans Mars ou dans Vénus.

3° Le mot richesse paraît nécessairement lié à quelque chose de matériel : une richesse c’est ce qui se pèse, se mesure ou s’accumule. Cependant, pour satisfaire à ses besoins, l’homme ne recourt pas uniquement à des choses ; il a recours aussi, et dans quelle large mesure ! aux services de ses semblables. L’homme se sert des hommes au moins autant que des choses. Alors ces actes de l’homme, qui concourent si efficacement à la satisfaction de nos besoins, l’ordonnance du médecin, la sentence du juge, la leçon du professeur, la vigilance du gendarme, le jeu de l’acteur, de quel nom les désignerons-nous ? Dirons-nous aussi que ce sont « des richesses » ? Beaucoup d’économistes s’y sont résignés, mais un plus grand nombre s’y sont refusés pour ne pas faire trop violence au langage.