Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa vie économique, on les désigne généralement sous le nom de richesses.

Ce terme laisse toutefois fort à désirer comme clarté. D’abord dans le langage ordinaire le mot de richesse est employé d’ordinaire comme synonyme de fortune : il sert à désigner la situation d’un homme qui a de grands biens. Il paraît donc singulier d’appeler « richesse » un morceau de pain, et telle est bien cependant l’expression scientifique et correcte si l’on entend par richesse tout ce qui peut servir à satisfaire un besoin quelconque de l’homme.

Pour qu’une chose puisse être qualifiée de richesse, il faut qu’elle remplisse certaines conditions

1° D’abord la première condition à remplir, c’est qu’elle soit propre à satisfaire un besoin ou un désir quelconque, en d’autres termes que nous la jugions utile, car l’utilité n’est pas autre chose que la corrélation que nous établissons entre certaines choses et nos besoins.

Il se peut que le jugement que nous portons ainsi sur l’utilité des choses soit fort erroné. Des reliques plus ou moins authentiques ont été pendant bien des siècles, et sont encore aujourd’hui, dans certains pays, considérées comme des richesses incomparables, à raison des vertus qu’on leur prête. Il y a bien des eaux minérales et des produits pharmaceutiques qui sont très recherchés, quoique leurs propriétés curatives soient loin d’être démontrées. Il n’importe : utiles ou non, il suffit que nous les jugions telles, pour que ce soient des richesses[1]. C’est donc une chose subjective que la richesse.

Mais d’ordinaire, notre jugement n’est pas tout à fait aveugle, et si nous estimons qu’une chose est utile, c’est que nous avons quelque raison de croire qu’elle l’est en effet, c’est que nous avons découvert une certaine relation entre ses propriétés physiques et l’un quelconque de nos besoins. Si le pain est utile, c’est d’une part que nous avons besoin de nous nourrir, et d’autre part que le blé contient justement

  1. Voilà pourquoi M. Tarde fait de la foi la source de toute richesse.