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simple transfert de monnaie qui ne fait que détourner d’un certain côté le travail et le capital qui étaient déjà engagés dans d’autres branches de production. Par conséquent la dépense est, au point de vue économique, un acte indifférent en soi. On ne peut l’apprécier que par ses résultats : elle est bonne si elle détourne le capital et le travail d’emplois relativement inutiles vers des emplois relativement utiles, mauvaise, dans le cas contraire.

C’est donc par la dépense que l’homme riche, même vivant en simple rentier, exerce sur les forces productives, terre, travail et capital, une action considérable. Il les commande. Comme le centurion de l’Évangile, il dit à l’un : « Va » et il va, et à l’autre « Viens », et il vient. Et ce pouvoir de commandement est précisément ce qui crée au riche une responsabilité et des devoirs spéciaux.

Mais là où le préjugé commence, c’est de croire :

1° Que la dépense est en soi et nécessairement plus utile que l’épargne parce qu’elle encourage la production.

Nous verrons à propos de l’épargne qu’elle aboutit nécessairement soit à une consommation différée (si elle se fait sous forme de thésaurisation), soit à une consommation reproductive (si elle se fait sous forme de placement). Dire que la dépense est plus utile à la production que l’épargne, c’est donc prétendre tout simplement que la consommation improductive est plus utile à la production que la consommation reproductive, en d’autres termes, qu’il est plus utile pour la production du blé de le manger que de le semer.

L’erreur vient de ce que la consommation est le but, la raison d’être et, comme on dit en métaphysique, la cause finale de toute production. Du jour où les hommes cesseraient de consommer, il est clair qu’ils cesseraient de produire. Mais de là à conclure que la consommation est la cause efficiente de la production, il y a toute la distance qui sépare un axiome d’une absurdité. Les seules causes de la production ce sont les facteurs déjà connus, travail, terre et capital, et il est bien clair que ce n’est pas la consommation qui peut avoir pour effet de créer ou d’augmenter aucun des trois.