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listes y sont particulièrement enclins, verser du côté de l’optimisme. L’avance énorme et subite qu’a prise la production sur la consommation dans ces dernières années peut tenir à des causes qui ne sont pas destinées à se renouveler, telles que la mise en culture de continents nouveaux et l’impulsion que la machine à vapeur a donnée aux moyens de transport. En fin de compte, il est bien évident que la terre ne peut nourrir un nombre indéfini d’habitants, et la loi du rendement non proportionnel que nous avons déjà étudiée (pp. 125-129) aggrave cette éventualité.

Toute spéculation sur l’avenir possible de l’espèce humaine ne peut être, comme le dit spirituellement Nitti, qu’une sorte d’eschatologie démographique sans valeur scientifique. Voici cependant les quelques considérations qui paraissent de nature à la rassurer sur sa destinée :

1° La statistique démontre que la natalité est plus faible dans les classes riches que dans les classes pauvres et qu’elle tend à se ralentir chez tous les peuples à mesure qu’ils progressent en bien-être. Il est donc vraisemblable qu’au fur et à mesure que la richesse se généralisera, le taux de la natalité tendra à se réduire[1].

2° La biologie nous apprend que, en général, la fécondité des espèces varie en raison inverse du développement des individus, les espèces inférieures multipliant dans des proportions infiniment plus considérables que les animaux

  1. Le taux de la natalité à Paris varie de 16, 4 p. 0/00, dans le quartier élégant des Champs-Élysées, à 38, 8 p. 0/00 dans le quartier pauvre de l’Observatoire. Et à Londres aussi il varie, suivant les quartiers, de 25 à 35 p. 0/00.
    M. P. Leroy-Beaulieu développe fortement cet argument. Le taux d’accroissement de la population, qui, en France, est tombé presque à zéro, se ralentit aussi dans tous les pays d’Europe.
    Cependant il semble que ce soit moins la richesse que la propriété qui produise cet effet. Nous voulons dire que la propriété même petite, et surtout celle de la terre, ont un effet plus restrictif que la possession d’une grande fortune. La France est moins riche que l’Angleterre, mais la propriété, et surtout la propriété foncière, y est beaucoup plus disséminée. De là probablement l’explication de sa situation unique au point de vue démographique et d’ailleurs si regrettable à tant d’égards.