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La consommation peut se présenter sous deux aspects différents elle est immédiate quand elle s’applique à la satisfaction des besoins présents et, traduite en monnaie, elle s’appelle alors la dépense elle est différée quand elle est destinée à la satisfaction des besoins futurs, et, traduite en monnaie elle s’appelle alors l’épargne[1].

Nous allons les étudier successivement. Mais auparavant nous devons dire incidemment un mot d’une question fameuse et qui naît précisément de cette circonstance fâcheuse que la satisfaction du principal besoin du genre humain, l’alimentation, nécessite une destruction de richesses.


II

SI LA PRODUCTION SERA TOUJOURS EN MESURE DE SUFFIRE À LA CONSOMMATION.


Un économiste anglais, Malthus, dans une formule qui a eu une prodigieuse célébrité, avait affirmé que la population tendait à s’accroître suivant une progression géométrique, tandis que les moyens de subsistance ne pouvaient s’accroître que suivant une progression arithmétique[2]. Bien loin donc de

  1. En effet, dans notre régime économique quand un individu veut satisfaire un besoin présent, il faut généralement qu’il achète, c’est-à-dire qu’il débourse de l’argent sauf le propriétaire qui consomme en nature ses récoltes ou le cordonnier qui fait lui-même ses soutiers. Et quand il veut satisfaire un besoin futur, il faut de même qu’il mette de côté une certaine somme d’argent, parce que, comme nous le verrons plus loin (p. 589), c’est la seule richesse qui se conserve indéfiniment.
  2. Il exprimait cette double loi dans cette double formule qui n’avait d’ailleurs, dans sa pensée, d’autre but que de servir à illustrer son raisonnement et qu’on eut le tort de prendre à la lettre :
    Progression de la population : 1. 2. 4. 8. 16. 32. 64. 128. 256…
    Progression de la production : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9…
    Malthus évaluait à 25 ans la période de temps qui devait s’écouler en moyenne entre deux termes consécutifs de sa progression. Il en concluait donc que « au bout de deux siècles la population serait aux moyens de subsistance comme 256 est à 9, au bout de trois siècles comme 4.096 est à 13, et après deux mille ans, la différence serait immense et comme incalculable ».