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il est permis d’espérer que ces écueils pourront être évités par une sorte de stage préparatoire, et cette préparation pourra se faire de deux manières

1° Par la participation aux bénéfices, lorsque le patron veut bien consentir à préparer son abdication en organisant la participation de telle façon que les ouvriers puissent devenir de son vivant ses associés, et après sa mort ses successeurs. C’est ce qu’ont fait, pour ne citer que les exemples les plus fameux, Godin pour le Familistère de Guise, Mme Boucicaut pour les magasins du Bon-Marché, etc.

2° Par les associations coopératives de consommation qui, lorsqu’elles sont suffisamment développées et fédérées entre elles, peuvent constituer des sociétés coopératives de production auxquelles elles fournissent à la fois — des capitaux qu’elles leur prêtent, une direction dans la personne d’hommes déjà expérimentés, et une clientèle assurée en leur achetant leurs produits — c’est-à-dire précisément tous les éléments qui leur manquaient pour réussir. C’est ce que tendent à faire les sociétés coopératives de consommation en Angleterre. Elles ont déjà fondé un certain nombre d’industries coopératives prospères.

C’est dans cette dernière voie que l’association de production pourra trouver un meilleur avenir. Mais il importe de distinguer ici deux systèmes, généralement connus en Angleterre sous le nom de fédéraliste et d’individualiste. — Dans le système fédéraliste, les sociétés de consommation, soit groupées en fédérations, soit isolément quand elles sont assez puissantes, créent des fabriques pour produire directement tel ou tel article rentrant dans leur consommation. En ce cas, les ouvriers qu’elles emploient restent de simples

    verrerie aux verriers ». Les socialistes ont protesté en disant qu’il fallait créer une « verrerie ouvrière », c’est-à-dire appartenant à toute la classe ouvrière — et c’est ce qu’on a fait, sans beaucoup de succès, semble-t-il.
    L’école économique libérale parle de l’association coopérative de production avec la même condescendance ironique que de la participation aux bénéfices et de la coopération en général. En effet n’admettant pas comme possible l’abolition du salariat, elle ne saurait admettre celle du patronat.