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raient nécessaires, soit en constituant une Banque commune (il en existe une déjà en France, voy. p. 366), soit en s’adressant aux sociétés coopératives de crédit ou aux sociétés coopératives de consommation, qui disposent, les unes et les autres, de capitaux considérables (Voy. p. 355 et 395).

3° Enfin le dernier écueil, c’est qu’elles tendent à reconstituer les formes mêmes qu’elles se proposaient d’éliminer, à savoir l’organisation patronale avec le salariat — tant il est malaisé de modifier un régime social ! Trop souvent du jour où ces associations réussissent, elles se ferment et, refusant tout nouvel associé, embauchent des ouvriers salariés, en sorte qu’elles deviennent tout simplement des sociétés de petits patrons[1]. C’est le principal grief que les socialistes font valoir contre cette institution et il faut avouer qu’il est assez fondé. D’autre part, demander aux ouvriers de la première heure, à ceux qui ont réussi à force de privations et de persévérance à fonder une entreprise prospère, d’admettre sur pied d’égalité les ouvriers de la onzième heure, c’est vraiment leur supposer un rare désintéressement.

Aussi les grandes espérances que certains penseurs notamment Stuart Mill, avaient fondées sur ce mode d’organisation du travail ont-elles été un peu déçues[2]. Cependant

  1. Quelques-unes des sociétés coopératives de production de Paris comptent 10 salariés pour un seul associé (celle des lunetiers, par exemple, 131 associés et 1.480 salariés — et ses actions ont monté de 300 à 50.000 francs) ! elles ne sont évidemment coopératives que de nom. Pour éviter cet abus, un projet de loi française sur les sociétés coopératives les obligerait à faire participer leurs ouvriers aux bénéfices.
  2. C’était aussi le système de Lassalle. Il demandait que l’État consacrât quelques centaines de millions de marcs à commanditer des sociétés coopératives de production, de façon à leur permettre de soutenir victorieusement la concurrence contre les entreprises patronales.
    Aujourd’hui le collectivisme est nettement hostile à la coopération de production. En effet, l’association de production, si elle vise à supprimer le salariat, maintient à la base de son organisation la propriété individuelle des capitaux, puisqu’elle vise précisément à rendre les ouvriers copropriétaires de leurs instruments de production. Or le collectivisme se propose au contraire de « socialiser » les instruments de production, c’est-à-dire de les soustraire à toute appropriation individuelle, travailleurs eux-mêmes. On a vu cet antagonisme de tendances se manifester dans la récente grève de Carmaux quand il s’est agi de créer « la