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naires quoique assurément les bénéfices soient encore moins leur œuvre que celle des ouvriers[1] !


V

DE L’ASSOCIATION COOPÉRATIVE DE PRODUCTION.


Si la participation aux bénéfices introduit une modification grave dans le contrat de salaire en associant les ouvriers avec le patron, l’association coopérative de production va bien plus loin, car elle supprime le patron. Ce sont des ouvriers qui s’associent pour produire pour leur propre compte et à leurs risques et périls et comme ils possèdent leurs instruments de production, ils gardent pour eux naturellement l’intégralité du produit de leur travail. C’est comme un retour à la situation du producteur autonome de l’ancien régime : seulement, au lieu d’un travailleur unique, nous voyons ici un groupe de travailleurs formant une unité, transformation rendue nécessaire par les exigences de la grande production.

La France est considérée comme la terre classique de ce genre d’institutions. Il est vrai qu’elle parait en avoir pris l’initiative, car la première association de production a été fondée en 1834 par un publiciste Buchez. Il est vrai aussi qu’à la suite de la révolution de 1848 il y a eu un grand élan dans ce sens et il se fonda alors en France, à Paris sur-

  1. La grande objection autrefois c’était que si l’ouvrier participe aux bénéfices il serait juste de le faire participer aussi aux pertes, et comme la chose est impossible, il ne faut faire ni l’un ni l’autre. Cet argument est aujourd’hui assez discrédité et avec raison. Il va sans dire que quand il y aura des pertes, l’ouvrier ne touchera pas de bénéfices. Il touchera, il est vrai, son salaire, de même que le capitaliste touchera son intérêt, parce qu’il a fourni comme celui-ci un des éléments de la production, et encore est-il très possible qu’en ce cas on réduise son salaire tandis qu’on ne réduira pas l’intérêt ! Si maintenant l’entreprise sombre, les capitalistes, il est vrai, perdront leur capital et l’ouvrier ne perdra pas le sien parce qu’il n’en a point, mais il perdra sa place et son pain, et en fait de perte, celle-là en vaut bien une autre. Le capital et le travail ont chacun leurs risques spéciaux qu’il ne faut pas confondre.