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D’une façon générale on est très porté à exagérer le taux des profits. Le fait que dans une entreprise quelconque le profit est accumulé entre les mains d’un seul, tandis que le salaire est éparpillé entre les mains de centaines ou de milliers de copartageants, fait illusion sur leur importance respective. Si par suite de la suppression de tous les patrons, on pouvait distribuer leurs profits entre les mains de tous les ouvriers, ceux-ci seraient fort désagréablement surpris en constatant que cette expropriation ne grossirait que dans une assez faible proportion la part de chacun d’eux[1].


IV

DE LA PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES.


En traitant du salariat et des inconvénients de ce mode de rétribution, nous avons dit qu’un des principaux était le conflit d’intérêts inévitable qu’il créait entre le patron et l’ouvrier. En effet plus le salaire sera élevé, plus le profit

  1. Une enquête officielle a donné les chiffres suivants pour la production des mines de charbon de toute la France en 1893 :
    Les salaires payés ont été de 152.077.000 francs, soit en moyenne 1.146 francs par ouvrier.
    Les dividendes distribués par 151 mines se sont élevés à 34.502.000 francs. Mais, par contre, les pertes subies par 150 mines se sont élevées à 8.903. 000 francs — ce qui réduit le bénéfice net de la production minière à 25.599.000 francs.
    Cela représente à peu près 1/6 du salaire, soit 192 fr. 90 par tête d’ouvrier, ou bien encore environ 64 centimes par jour sur un salaire moyen de 3 fr. 82. C’est bien quelque chose assurément, mais beaucoup moins qu’on pourrait le croire d’après les dénonciations passionnées des socialistes. Et remarquez qu’il faudrait déduire, pour avoir le profit proprement dit, et conformément aux règles que nous venons de poser, l’intérêt des énormes capitaux engagés dans ces mines, sans oublier celui des capitaux engloutis dans les mines abandonnées, ou en déficit ; M. Hector Denis, le savant professeur de Bruxelles, dont les tendances socialistes sont bien connues, mais qui apporte dans ses calculs une sérénité toute scientifique, évalue le gain annuel du capital par tête d’ouvrier à un chiffre moindre encore : 158 francs dans la province de Liège, 150 francs dans le Hainaut (soit environ 0 fr. 50 par journée de travail).