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lier Il est certain que ces actionnaires, appelés par les Anglais du nom si expressif de sleeping partners (associés dormant), ne semblent pas exercer une fonction sociale bien active. Aussi avons-nous dit à diverses reprises que l’apparition de cette nouvelle catégorie de propriété et de revenu nous paraissait dangereuse, non seulement pour le patronat, mais pour la propriété individuelle elle-même. On peut bien dire en sa faveur, comme le font la plupart des économistes, qu’elle démocratise la grande propriété capitaliste en la divisant en un grand nombre de petites coupures, mais nous croyons plutôt qu’elle fait un pont d’or à l’expropriation collectiviste.

Néanmoins il y a dans l’argument tiré des sociétés par actions une certaine part d’illusion. Il faut remarquer :

1° qu’il n’est aucune société, si anonyme qu’elle soit, qui n’ait été fondée par quelqu’un en vue d’en retirer des profits, et bien peu qui ne continue à être dirigée au point de vue financier, sinon au point de vue technique, par quelque gros actionnaire qui est le véritable patron[1] ;

2° qu’au reste, dans les sociétés par actions, l’absence d’un patron effectif ne laisse pas que de constituer une cause d’infériorité très marquée et entraîne quelques-uns des inconvénients inhérents aux grandes administrations publiques (et que présenterait sans doute le système collectiviste lui-même s’il était appliqué) : — à savoir l’absence d’initiative individuelle, les procédés de la bureaucratie, le gaspillage du travail et du capital dont l’entreprise de Panama a donné un inoubliable exemple. Et nous sommes bien éloigné d’y voir, comme M. de Molinari, la forme future et idéale de la production (Voy. ci-dessus, p. 188, note 2).


    lier celui tiré de l’actionnariat, sont très clairement exposés par M. Vandervelde dans la Revue socialiste de février 1894.

  1. Nous ne nions pas que certaines entreprises fondées depuis longtemps, arrivées à une forme quasi-définitive et qui marchent en quelque sorte en vertu de la vitesse acquise, — comme les compagnies d’assurances, celles des chemins de fer, etc. — ne puissent se passer complètement de patron et même ne soit mûres pour l’exploitation par l’État. Tout ce que nous disons, c’est que nous ne croyons pas que de longtemps encore on puisse se passer de l’entrepreneur pour créer des entreprises.