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moins l’équivalent de ce qu’il aurait pu retirer dû toute autre façon : sinon il ne tentera pas l’entreprise[1].

Mais sur quel pied alors évaluer ces divers éléments de production qui constituent l’apport personnel de l’entrepreneur ?

Pour le loyer, rien de plus simple on l’évaluera au même prix que l’entrepreneur devrait payer lui-même pour se procurer un emplacement équivalent.

Pour le capital, rien de plus simple non plus on calcule l’intérêt au taux courant, celui auquel l’entrepreneur doit payer les capitaux qu’il emprunte lui-même. Et par le fait, dans toute comptabilité bien tenue, l’entrepreneur fait figurer sur son livre de compte, l’intérêt du capital qu’il a apporté. — Mais pourtant il faut encore que l’entrepreneur ajoute quelque chose à cet intérêt, à savoir la prime d’assurance contre les risques. Il ne s’agit pas ici du risque de la perte possible du capital (qui est déjà compris dans l’intérêt, ainsi que nous l’avons vu), mais du risque résultant de la variabilité des circonstances qui dans l’industrie font alterner les bonnes et les mauvaises années— les vaches grasses et les vaches maigres du songe de Pharaon. En supposant, par exemple, une entreprise à revenu si variable qu’elle ne donnât de profits qu’une année sur deux, il faudrait évidemment, pour que l’entrepreneur retirât un revenu moyen égal au taux courant de l’intérêt, que le taux du profit fût le double du taux courant de l’intérêt, 10 p. 0/0, par exemple, au lieu de 5 p. 0/0. La différence est préci-

  1. Et pourtant, si on regarde de près les nombreuses entreprises qui fonctionnent dans un pays quelconque, on en trouvera certainement plus d’une qui ne produit pas assez pour rémunérer au taux courant les capitaux qui ont été engagés. D’où vient que, dans de semblables conditions, elles continuent cependant à fonctionner ? Cette contradiction apparente s’explique aisément en considérant la nature des capitaux engagés. S’ils sont sous la forme de capitaux fixes, il est impossible dé leur donner, quand bien même on le voudrait, une destination différente de celle pour laquelle ils ont été formés. On n’a donc que le choix de les abandonner complètement ou de se contenter du revenu si minime qu’il soit, qu’on pourra en tirer. Évidemment on préférera le second parti, puisqu’il vaut mieux encore ne perdre qu’une partie que perdre tout. Le cas se présente assez fréquemment pour les chemins de fer, tramways, mines, etc.