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peut résulter même de n’importe quelle circonstance, car le monopole n’est pas un fait exceptionnel il est partout. Un petit épicier qui a son magasin au coin de la rue jouit, par cette seule situation, d’un certain monopole. Toute individualité c’est-à-dire, le simple fait d’être soi et de n’être point autrui constitue, à vrai dire, un monopole.

Et cette explication nous parait la plus conforme aux faits. Elle explique d’ailleurs pourquoi le capitaliste se confond généralement avec l’entrepreneur : c’est tout simplement parce que, aucune entreprise ne pouvant être abordée sans un certain capital, la possession d’un capital constitue par elle-même un véritable monopole qui peut être exploité fructueusement. Elle explique aussi pourquoi certaines qualités personnelles exceptionnelles, telles que celles sur lesquelles insistent les partisans de la théorie du travail, peuvent être la source de grands profits et de grandes fortunes ; c’est parce que ces qualités-là sont aussi des formes du monopole.

Il ne faut pas nécessairement en conclure que le profil soit injuste, car nous avons admis au contraire que, dans bien des cas, le monopole est plus conforme à l’intérêt public que la concurrence (Voy. ci-dessus, p. 174-176).

Ceux qui font fortune par suite de facultés personnelles exceptionnelles ne portent préjudice à personne, et d’ailleurs le monopole des entrepreneurs se manifeste généralement non par un privilège qui leur permette de vendre au-dessus des prix courants, mais au contraire par la possession d’un secret ou de quelque avantage de situation qui leur permet de fabriquer au-dessous des frais ordinaires de production, ce qui est très conforme à l’intérêt public[1].

  1. Le profit diffère donc de la rente foncière : — 1° parce que le monopole résultant de la rente foncière présente toujours un caractère réel et plus ou moins permanent, tandis que le profit présente au contraire un caractère personnel et temporaire ; — 2° parce que la rente foncière naît sinon, comme le pensait Ricardo, de l’accroissement des frais de production, du moins de l’accroissement des besoins, tandis que le profit, comme nous venons de le dire, naît généralement de l’abaissement des frais de production dans certaines industries. — Et tandis que le coût de production maximum règle seul la rente, c’est le coût de production minimum qui