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en vertu d’une relation nécessaire : c’est seulement, comme nous allons le voir, parce que la possession de son capital lui confère une sorte de monopole, mais les deux rôles sont très distincts en théorie et souvent même séparés en fait, car en cherchant un peu on trouverait facilement des entrepreneurs qui ne sont point capitalistes, qui ne travaillent qu’avec des capitaux empruntés et touchent tout de même des profits. Et quant aux actionnaires, nous verrons que leurs dividendes sont plutôt une forme d’intérêt qu’une forme de profit.

C’est donc avec raison que les économistes français ont détaché le rôle de l’entrepreneur de celui du capitaliste pour faire du premier un personnage distinct et qu’ils l’ont baptisé du nom sous lequel il est désormais connu. Le caractère qui leur a paru prédominant en lui, c’est celui de travailleur, et le profit leur apparaît comme la rémunération du travail, mais d’un genre de travail différent du travail manuel, supérieur au point de vue de la productivité, et qui comprend :

1° L’invention, acte capital de toute production, ainsi que nous l’avons vu (Voy. p. 110). Toutes les grandes fortunes industrielles (acier Bessemer, machine à coudre Singer, etc.) sont le résultat d’inventions. Nous avons vu que l’acte véritablement productif, c’est l’idée. Or le rôle de l’entrepreneur est justement d’avoir des idées — non pas nécessairement des idées de génie — mais des idées commerciales, et par-dessus tout de découvrir ce qui plaira au public. Il ne suffit pas que l’entrepreneur invente de nouveaux modèles il faut, si j’ose dire, qu’il invente de nouveaux besoins.

2° La direction. Le travail collectif est plus productif que le travail isolé, c’est une loi fondamentale de l’économie politique, mais à la condition d’être organisé, discipliné, commandé. Il faut donc quelqu’un qui distribue les tâches et assigne à chacun sa place : c’est le rôle de l’entrepreneur et c’est pour cela qu’on l’a appelé « le capitaine de l’industrie ». En effet, il en est de l’industrie comme de la guerre. Qui gagne la bataille ? C’est le général. Sans doute, de bons soldats y contribuent, tout comme de bonnes armes, mais ce ne sont que les conditions du succès, non la