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5° Le développement de l’individualisme et de l’égalité civile, la suppression du système féodal, notamment dans tous les pays qui ont subi l’influence de la Révolution française ; de 1789, ont amené une cinquième phase, celle-là même qui s’est réalisée de notre temps : la constitution définitive de la propriété foncière libre avec tous les attributs que comporte le droit de propriété. Cependant même cette propriété foncière, telle qu’elle est constituée par exemple dans le Code Napoléon, n’est pas encore de tous points identique à la propriété mobilière : elle en diffère par de nombreux caractères qui sont familiers aux jurisconsultes, mais le trait distinctif ce sont surtout les difficultés plus ou moins grandes imposées au droit d’aliénation et d’acquisition[1].

6° Il ne restait donc plus, pour assimiler complètement la propriété foncière à la propriété mobilière et marquer ainsi le dernier terme de cette évolution, qu’une seule étape à franchir : c’était la mobilisation de la propriété foncière, c’est-à-dire la possibilité pour tout individu, non seulement de posséder la terre, mais encore d’en disposer avec la même facilité que d’un objet mobilier quelconque. Ce dernier pas a été franchi dans un pays nouveau, en Australie, par le système célèbre connu sous le nom de système Torrens[2], qui

  1. Il suffit de rappeler l’inaliénabilité des immeubles des femmes mariées sous le régime dotal ou des enfants en tutelle, les formalités exigées pour le transfert des immeubles, les droits énormes qui frappent ces mutations, etc.
  2. Le système Torrens, ainsi désigné par le nom de l’homme qui l’a fait adopter dans les Nouvelles Galles du Sud, il y a 40 ans environ, consiste essentiellement : — 1° dans un registre, semblable à nos registres de l’état civil, dans lequel chaque immeuble a une page qui lui est spécialement affectée avec son plan, son signalement, et sur laquelle est relatée en quelque sorte l’histoire de l’immeuble depuis le jour où il est entré dans le domaine de la propriété privée ; — 2° dans un titre, reproduction exacte, quelquefois même photographiée, de la feuille du registre, qui, remis entre les mains du propriétaire, représente absolument l’immeuble lui-même, et peut à sa place être cédé, donné en gage, etc. — Le but de ce système, comme le déclarait l’auteur lui-même, est de débarrasser la propriété foncière de toutes les entraves qui en empêchaient le libre accès, « semblables à ces herses, ponts-levis et fossés qui défendaient l’accès des châteaux de nos ancêtres ». Ce système, adopté successivement dans toutes les colonies australasiennes, ainsi que