le propriétaire rentier ne fait que subir le prix fixé sur le marché par la nécessité. Et quand bien même, dans un esprit de générosité, tous les propriétaires de terre à blé voudraient faire l’abandon de leurs rentes, le prix courant du blé n’en diminuerait pas d’un centime ; ce seraient simplement leurs fermiers ou leurs acheteurs immédiats qui profiteraient de ce cadeau[1].
En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’il y a une rente que les prix sont hauts, mais parce que les prix sont hauts qu’il y a une rente la rente est non la cause mais l’effet du prix[2].
Un autre trait curieux et qui semble paradoxal de la théorie de Ricardo, c’est de n’admettre qu’une seule cause qui puisse faire baisser le revenu de la terre ou du moins arrêter son ascension fatale : le progrès de l’art agricole ! En effet ce progrès, en permettant d’obtenir un plus grand rendement sur la même étendue de terre ou, ce qui revient au même, une égale quantité de blé sur une moindre étendue de terrain, dispense de l’obligation de recourir aux terrains de dernière catégorie, par exemple à ceux qui dans notre exemple produisent le blé à 20 fr., et permettra de s’arrêter à ceux qui le produisent à 15 fr.
Cette théorie de la rente foncière est aujourd’hui assez discréditée, tant chez les économistes qui la trouvent trop compromettante pour le droit de propriété que chez les socialistes qui la trouvent trop pessimiste en ce qui regarde l’avenir de la production.
- ↑ En supposant toujours le régime de la propriété individuelle, car il en serait autrement sous un régime de communauté. En ce cas, la Société possédant collectivement toutes les terres, pourrait établir un prix moyen qui, inférieur aux frais de production pour les mauvaises terres, mais supérieur pour les bonnes, lui permettrait de compenser ses pertes et ses gains et de couvrir juste ses frais. It est incontestable que, théoriquement, il devrait en résulter une diminution de prix.
- ↑ On peut encore exprimer la même idée par cette formule célèbre la rente ne rentre pas dans les frais de production. C’est le salaire et l’intérêt qui constituent seuls les frais de production et par là indirectement, sous l’action de la concurrence, la valeur du produit. Et on en tire cette conclusion intéressante, entr’autres, que l’on pourrait confisquer par l’impôt la totalité de la rente foncière sans que le prix du blé s’en ressentit.