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C’est, comme nous l’avons montré (voy. p. 440), l’entrepreneur, c’est-à-dire le véritable agent de la production, qui loue le capital et paie l’intérêt, et cet intérêt figure dans ses frais de production au même titre que le salaire de la main-d’œuvre ou le loyer de son usine. Il serait donc insensé de vouloir dans un but humanitaire le dispenser de payer l’intérêt, ce qui n’aurait d’autre résultat que d’augmenter ses profits !

Cependant même aujourd’hui, dans notre législation, le prêt à intérêt porte encore comme un stigmate de cette vieille réprobation. En effet, on sait que malgré les protestations ininterrompues des économistes, la loi interdit de prêter au-dessus du taux de 5 % et que le fait de prêter habituellement au-dessus de ce taux constitue le délit d’usure qui est puni de peines assez sévères[1].



IV

LES LOIS DE L’INTÉRÊT.


Nous entendons par là non pas les lois écrites qui peuvent fixer un maximum au taux de l’intérêt ou punir l’usure et qui n’ont qu’une importance secondaire, mais les lois économiques et naturelles qui déterminent le taux de l’intérêt comme

  1. C’est une loi de 1807 qui avait établi cette limitation de 5 % en matière civile et 6 % en matière commerciale. Les économistes se sont toujours élevés contre cette restriction et ils ont obtenu en partie gain de cause, puisqu’une loi de 1886 a aboli la limitation entre commerçants, la laissant subsister seulement pour les non commerçants. On peut retrouver ici une trace des distinctions des canonistes la loi admet le taux illimité de l’intérêt là seulement où le prêt est présumé productif par la nature des opérations, non dans le cas contraire.
    Mais on pourrait très bien abolir aussi la restriction en matière civile. Ce serait plus logique, puisque la loi n’établit aucun autre cas de maximum (ni pour le fermage, ni pour le loyer, par exemple) — et sans danger, croyons-nous, à la condition de laisser subsister le délit d’usure, c’est-à-dire de frapper ceux qui font métier de prêter de l’argent au-dessus du taux courant, en spéculant sur la misère ou l’inexpérience de l’emprunteur. Il n’y a là aucune contradiction et même cette distinction est admise par certaines législations, notamment en Allemagne et en Autriche.