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Or, qu’en règle générale la masse des travailleurs se trouve privée de tout droit sur les produits du travail, voilà un état de choses dangereux et vraiment contre nature.

Du moment que le travailleur n’a pas un intérêt direct sur le produit de son travail, il n’a plus grand intérêt à bien travailler ni à beaucoup produire. Il n’y a plus que le sentiment du devoir ou celui de la crainte — non plus la crainte du fouet, comme l’esclave, mais la crainte d’être renvoyé et de perdre son gagne-pain — qui puissent le déterminer à faire pour le mieux : or, de ces deux mobiles, le premier n’agira jamais que sur des consciences d’élite et malheureusement va s’affaiblissant au fur et à mesure que l’antagonisme entre le patron et l’ouvrier va s’accentuant : le second, il faut le dire à l’honneur de la nature humaine, n’a jamais réussi à obtenir de l’homme quelque chose de bon.

C’est pour corriger dans une certaine mesure cet inconvénient qu’on tend à adopter aujourd’hui le travail à prix fait ou aux pièces, dans lequel l’ouvrier est payé non plus à la journée ou à l’heure mais à raison du nombre d’objets confectionnés. Mais les ouvriers sont généralement hostiles à ce mode de rémunération qu’ils considèrent comme un mode d’exploitation plus raffinée, destiné à extorquer des travail-

    coopérer à une entreprise quelconque, quelle est théoriquement la part qui doit revenir à chacun d’eux dans le produit ? Voici Robinson qui fournit un canot et un filet à Vendredi qui ne fournit que ses bras. À la fin de la journée Vendredi rapporte 10 paniers de poissons. Combien doit-il en revenir à Robinson (le Capital) ? combien à Vendredi (le Travail) ?
    Nous considérons le problème comme insoluble, aussi insoluble que celui énoncé ironiquement par Stuart Mill quand il dit : étant données les deux lames d’une paire de ciseaux employée à couper une étoffe, quelle est celle des deux qui a droit à la plus grosse part ? — Cependant bon nombre d’économistes se sont exercés sur ce thème. Un économiste allemand M. de Thünen, dans un livre très remarquable d’ailleurs sur le Salaire naturel s’est efforcé de démontrer à l’aide des mathématiques que le salaire naturel était la moyenne géométrique entre deux facteurs : le premier qui est la valeur consommée pour l’entretien du travailleur, le second qui est la valeur produite par son travail. Si on désigne le premier par et le second par , on a la formule .
    Voy. pourtant un autre essai pour résoudre le même problème dans M. Pantaleoni, Principii d’Economia pura. (p.340).