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spéciaux à sa condition, l’accident et le chômage. — Tous ont cet effet commun de le mettre dans l’impossibilité permanente ou temporaire de travailler et par conséquent de gagner sa vie et celle de sa famille.

Ici se pose la question de savoir si l’initiative individuelle, s’exerçant par la voie de l’épargne et l’association, est suffisante pour les prévenir ou s’il ne faut pas recourir à l’intervention de l’État. Et il semble bien que l’épargne — l’épargne du pauvre — ne puisse suffire contre tant d’ennemis !

En fait, il n’y a qu’un seul de ces risques auquel l’initiative individuelle ait pu faire face, et encore dans une mesure incomplète, c’est la maladie. Il existe à cette fin par tout pays un grand nombre de sociétés dites de secours mutuels, qui, moyennant une faible cotisation de 1 fr. ou 1 fr. 50 par mois, se chargent de payer les frais du médecin, du pharmacien et d’allouer une certaine indemnité par journée de maladie[1].

Mais en ce qui concerne les quatre autres risques, on peut dire que l’initiative individuelle n’a rien fait ou bien peu de chose. Il y a bien un certain nombre de sociétés de secours mutuels qui assurent leurs membres contre la vieillesse en leur promettant une pension au delà d’un certain âge, mais il n’est pas sûr qu’elles puissent tenir leurs engagements. La prime d’assurance contre la vieillesse, malgré les combinaisons les plus ingénieuses, reste toujours fort élevée et serait écrasante pour un budget d’ouvrier[2].

Contre la mort et contre les accidents, il ne manque pas de compagnies d’assurances spéciales, mais leurs tarifs sont élevés et elles ne recherchent guère la petite clientèle ouvrière. Il n’y a d’ailleurs pas beaucoup de bourgeois qui son-

  1. Il existe en France environ 10.000 sociétés de secours mutuels comprenant 1.500.000 membres avec un capital de 230 millions. C’est relativement peu sur l’ensemble de la population ouvrière. En Angleterre, l’effectif de ces sociétés (friendly societies) est 4 fois et leur capital 10 fois plus considérable.
  2. D’après les calculs faits pour le projet de loi sur les caisses de retraite en France, il faudrait une prime annuelle de 96 fr. pour constituer une rente viagère de 600 fr. — à partir de 55 ans et en admettant le taux exagéré de 4 %.