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mais comme des hommes, à recevoir non pas le prix que le cours du marché fixe pour un ballot, mais la part que la justice attribue à un collaborateur, à un associé dans l’œuvre sociale. Ils demandent aux autres copartageants, en particulier au patron qui les touche de plus près, de se serrer un peu pour leur faire place[1]. Et ils y arrivent par deux moyens soit par la guerre, c’est-à-dire par la grève, soit à l’amiable par l’arbitrage.

Donnons quelques renseignements sur chacun de ces deux moyens.

§ 1. — Des grèves.

Dans les conditions ordinaires, quand l’ouvrier traite seul avec le patron, il est placé dans une situation d’infériorité forcée, et voici pour quelles raisons :

1° parce que le capitaliste peut attendre, tandis que le travailleur ne le peut pas. Celui-ci est dans la situation d’un marchand qui a absolument besoin de vendre sa marchandise pour vivre la marchandise ici, c’est la main-d’œuvre ; parce que l’entrepreneur peut en général se passer de l’ouvrier quand celui-ci est isolé, tandis que l’ouvrier ne peut pas

  1. Alors, dira-t-on, le salaire ne pourra s’élever que par la réduction du profit ? Et si l’on songe combien le taux du profit est déjà réduit par la concurrence universelle et qu’il faut pourtant laisser aux entrepreneurs un certain minimum sans lequel ils quitteront la partie, ne faut-il pas conclure que la marge de hausse des salaires est bien restreinte et doit aller en se rétrécissant de plus en plus ? Et si l’on admet que l’es patrons, sous la pression des salaires accrus, réussiront à élever leur prix de vente et à rejeter ainsi sur le public, par répercussion, la hausse des salaires, qu’y gagneront les ouvriers ? car eux-mêmes faisant partie du public, ne reperdront-ils pas en tant que consommateurs par hausse des prix ce qu’ils ont pu gagner en tant que travailleurs par la hausse des salaires ?
    Mais à tout cela il faut répondre que s’il y a un accroissement général de production et par conséquent du revenu total à partager, la hausse désire pourra très bien avoir lieu sans se heurter à aucune limite fatale et même sans rogner la part des autres copartageants. Et on peut même légitimement espérer, sans commettre une pétition de principe, qu’une hausse graduelle des salaires, en permettant à l’ouvrier ne de se développer physiquement et intellectuellement, augmentera la productivité du travail, par conséquent le revenu total du pays, et ainsi, par un circuit, facilitera une hausse subséquente et plus générale des salaires.