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V

S’IL EXISTE DES MESURES PROPRES À FAIRE HAUSSER LES SALAIRES.


Les intransigeants de l’école libérale ne croient pas qu’il existe aucun moyen artificiel pour faire hausser les salaires, pas plus que pour faire hausser les prix. Pour eux, le taux des salaires est déterminé par des lois naturelles, et échappe par là même à l’influence de toute intervention de l’homme. Croire qu’une coalition des ouvriers, ou qu’un texte de loi, ou même que telle ou telle forme d’association, pourra faire monter les salaires, serait aussi puéril que de croire que pour faire venir le beau temps il suffit de pousser avec le doigt l’aiguille du baromètre.

S’il a pu arriver que quelque grève ait déterminé une hausse des salaires, c’est qu’alors la hausse des salaires devait arriver par la force des choses. La grève en ce cas a agi à la façon de ce léger coup de pouce qu’on donne sur le cadran pour permettre à l’aiguille toujours un peu paresseuse de suivre l’ascension du mercure et de prendre plus vite sa position d’équilibre.

Mais il vaut bien mieux s’appliquer à rendre l’aiguille parfaitement sensible en perfectionnant le mécanisme qui la fait mouvoir, c’est-à-dire, pour parler sans métaphore, à rendre le travail tout à fait mobile et disponible en assurant le plus libre jeu possible à la loi de l’offre et de la demande[1]. Cela

  1. C’est à cet effet que M. de Molinari a proposé depuis longtemps la création de Bourses de Travail semblables à des Bourses de commerce, où l’offre et la demande de la main-d’œuvre pourraient se rencontrer de toutes parts, et qui assureraient au travail une mobilité presque égale à celle qui caractérise les capitaux.
    En effet, on a créé récemment en France un certain nombre de Bourses de Travail : mais ces institutions, bien qu’elles aient pour but accessoire de chercher un emploi aux ouvriers et de se substituer aux Bureaux