Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/461

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendant par là que le salaire ne peut jamais s’élever au-dessus de ce qui est matériellement indispensable à l’ouvrier pour vivre en ce cas elle est beaucoup trop pessimiste et manifestement contraire aux faits. Les besoins de la vie purement animale sont peu de chose pour l’homme le paysan irlandais et même le paysan français loin des villes, vivent de rien. Si donc ce minimum indispensable pour entretenir l’existence physique constituait la règle de fer des salaires, que de faits qui seraient inexplicables !

Pourquoi le taux des salaires n’est-il pas le même dans tous les métiers ? Est-ce qu’un ouvrier graveur ou mécanicien aurait besoin de consommer un plus grand nombre de grammes d’azote ou de carbone qu’un simple manœuvre ?

Pourquoi les salaires sont-ils plus élevés en France qu’en Allemagne ou aux États-Unis qu’en Angleterre ? Y a-t-il quelque raison physiologique pour qu’un Français soit obligé de manger plus qu’un Allemand, ou un Américain plus qu’un Anglais, ceux-ci surtout étant de même race ?

Pourquoi les salaires sont-ils plus élevés aujourd’hui qu’il y a un siècle, ce qui est pourtant un fait indéniable. Avons-nous un plus fort appétit que nos pères ?

Pourquoi les salaires des ouvriers de campagne sont-ils moindres en hiver, alors qu’ils sont obligés de dépenser davantage pour se chauffer et se vêtir, et plus élevés en été justement dans la saison qui, par les facilités de vivre qu’elle offre aux pauvres gens, mérite d’être appelée, comme a dit Victor Hugo, « la saison du pauvre » ?

Si au contraire on prend la formule dans un sens large, s’il ne s’agit plus de compter le nombre de grammes de carbone ou d’azote indispensables pour entretenir la vie purement animale, mais simplement du minimum nécessaire pour satisfaire aux besoins complexes de l’homme vivant dans un milieu civilisé, minimum variable d’ailleurs suivant le degré de civilisation de ce milieu, si on veut dire que le salaire de l’ouvrier se règle sur les habitudes et le genre de vie de la classe ouvrière, sur l’ensemble des besoins physiques ou sociaux, naturels ou artificiels, qui caractérisent le